Le christianisme, une religion non absolue

Différence, tolérance, diversité, manières de croire, absolu, etc. Des termes qui reviennent régulièrement dans la presse et les discours politiques. Sans toujours exprimer clairement ce qu’ils présupposent. Bernard Reymond, pasteur et professeur honoraire de théologie pratique de l’Université de Lausanne (UniL), nous propose ses éclaircissements. Extrait.

Dans l’ensemble, les théologiens protestants du XIXe siècle ont été d’accord avec la manière dont Lessing avait défendu la tolérance entre religions, du moins entre celles d’entre elles qu’ils tenaient pour de «grandes» religions (World Religions), mais avec une réserve: le christianisme était à leurs yeux la religion la plus «grande», c’est-à-dire la plus aboutie ou, selon une expression qui fit fortune à la fin du siècle, ils le tenaient pour la religion «absolue», celle qui concrétise l’essence même de la religion. Cette idée se trouvait d’ailleurs déjà chez Schleiermacher. Mais une rencontre entre religions est-elle encore possible dans ces conditions, et cette manière de voir les choses est-elle encore tenable dans un monde où, il faut bien l’admettre, le christianisme ne tient pas nécessairement le haut du pavé?

Ernst Troeltsch (1865-1923) a fait date en 1902 avec son petit traité sur L’absoluité du christianisme et l’histoire des religions où il montrait l’inadéquation de cette notion d’absolu compte tenu de ce que nous savons des autres religions. En 1923, il a encore donné un dernier tour à sa pensée en insistant sur le fait que le christianisme n’est effectivement jamais qu’une religion parmi d’autres, et qu’il doit en tenir compte aussi bien dans son attitude à leur égard que dans l’élaboration de sa propre pensée.

Avec cette manière d’envisager la situation, on peut dire que l’exigence protestante a bel et bien dépassé le stade de la tolérance pour accéder à un réel respect d’autrui dans la légitimité de sa différence, cela au nom même de la vérité évangélique à laquelle Troeltsch adhérait sans réserve.


Cet extrait provient de l’article «Quelques postures de tolérance protestante» de Bernard Reymond. Il est disponible dans le n°45 de la Revue des Cèdres: La tolérance se cherche une religion.

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