Trouve-t-on dans le sport en tant que principe organisateur de la vie quotidienne également une nourriture de l’esprit – une spiritualité ? Que pourrait être pour une personne une spiritualité dans le sport ? L’obtient-on par le sport ou la vit-on à travers le sport ? Ce sont les questions posées par Alessandra Maigre, assistante doctorante en théologie pastorale, pédagogie religieuse et homilétique à la Faculté de théologie de Fribourg et hockeyeuse, dans son article « Qu’est-ce que la spiritualité dans le sport ? ».

Qu’est-ce que la transcendance dans le sport ? Est-on en lien avec une dimension qui nous dépasse dans la pratique sportive ? Ou plutôt: quelle dimension est-on amené à dépasser ? Est-ce la limite de soi, la limite de sa discipline sportive ou la limite de son propre contrôle (et donc s’en remettre au hasard) ? En ce qui concerne la limite de soi, la recherche de transcendance semble se manifester assez clairement dans la devise olympique Citius, altius, fortius. Il s’agit ici d’« autotranscendance » ou de dépassement de soi dans la performance sportive[1]. Dans notre société, l’homme n’aspire plus vraiment à un salut transcendant et métaphysique, mais il devient de plus en plus « l’artisan et le régisseur de son propre salut »[2].

Certains sont plutôt critiques face à une spiritualité dans le sport. Pour Redeker, le sport serait une parodie de religion, car aucun message spirituel ne s’en dégage dans un « monde du vide » occidental. Le sport semble proposer une vision globale, totalisante de l’homme et du monde, mais cette vision est éphémère et non durable. Pour François-Xavier Amherdt également, le sport n’offre aucune forme de transcendance ni culturelle, ni religieuse et aucune expérience de totalisation authentique. Pour lui, la pratique sportive et l’émulation (corporelle et psychique) qui s’ensuit ne visent qu’à combler un désir des sens, mais ne constitue pas une revendication de sens[3].

Bien que véhiculant des valeurs de fond tout à fait respectables, il me semble que le sport peine à donner un sens à la vie, en tant que ce sens serait englobant de toutes les dimensions de la vie humaine. Comme on l’a vu ci- dessus, certaines dimensions humaines comme la vulnérabilité ou la possibilité d’être imparfait ne trouvent pas leur place dans une narration sportive (de compétition). Combler les désirs des sens revient-il à combler un désir de sens ? […]

En revanche, il me semble que la vie peut atteindre une profondeur existentielle dans le sport. Tout d’abord et de manière assez évidente dans tous les sports d’« aventure » qui se pratiquent souvent seul et dans de grands espaces naturels. Une profondeur de l’existence est atteinte dans la confrontation à la nature et le fait de s’y retrouver seul voué à ses propres moyens pour survivre. Cette expérience physique (et psychique) intense des limites ouvre une dimension existentielle. Dans les sports de compétition plus « conventionnels » cependant, on peut également trouver des instants de profondeur dans les tensions existentielles dues à la confrontation avec la limite ténue entre victoire et défaite, limitation et possibilité. Ainsi le sport peut offrir des plongées ponctuelles dans une autre dimension de la vie.

 

[1] AMHERDT, Le Sport, p. 7.

[2] Ibid., p. 8.

[3] AMHERDT, Le Sport, p. 43.

 

Cet extrait provient de l’article « Qu’est-ce que la spiritualité dans le sport ? », de Alessandra Maigre. Il est disponible dans le n°49 de la Revue des Cèdres : Le sport, ma foi.