Comment la pratique sportive peut venir impacter notre sentiment d’appartenance et notre identité ? Alessandra Maigre, assistante doctorante en théologie pastorale, pédagogie religieuse et homilétique à la Faculté de théologie de Fribourg et hockeyeuse, aborde cette question dans son article.

Qu’est-ce que l’identité dans le sport ? La question de l’identité individuelle revient fréquemment chez les sportifs. Il y a tout d’abord l’identité d’appartenance qui est très fortement ressentie par les personnes qui appartiennent à un club ou à une équipe[1](plus largement le sport peut même être un facteur de l’identité locale). Le fait d’être membre de tel groupe offre une construction de l’identité autour d’une historicité partagée, c’est-à-dire d’une histoire commune dont on est partie prenante. Peut-on alors parler de « métanarration » sportive à l’instar des narrations du christianisme ? Dans un contexte où l’identification avec ces dernières se fragilise, le sport peut apparaître comme une possibilité d’histoire partagée – de narration porteuse de sens – avec laquelle les individus peuvent se mettre en relation. Ainsi, un membre d’un club de sport peut évoquer le fait de se sentir « une partie de quelque chose de plus grand que lui seul »[2]. Au niveau strictement individuel, le sport peut offrir un espace privilégié où le sportif peut être ou se sentir complètement lui-même. Ce sentiment, qui relève de l’expérience pour un certain nombre d’athlètes, est théorisé par Gilbert Andrieu qui décrit le sport comme une rencontre avec « cette autre partie de nous-mêmes » qui serait une partie négligée et que l’on revendique dans la pratique sportive. Il va même jusqu’à appeler cette partie : « le divin en nous »[3]. Il s’agit en tout cas d’une partie plutôt cachée dans la vie de tous les jours et qui peut s’exprimer dans la pratique sportive. […] L’athlète découvre une « sorte d’enstase »[4]. C’est-à-dire que l’identité atteinte dans le sport passe par une « entrée en soi » ou un « se tenir au-dedans de soi » (« en-stase » par opposition à « ex-stase » : se tenir à l’extérieur de soi). On a affaire aujourd’hui à une société du soi qui investit sur le présent où l’injonction principale s’exprime dans le slogan : « être sa propre œuvre »[5]. Il s’agit de tout faire pour s’assurer de sa propre réalisation, d’être allé au bout de soi, à son maximum.

 

[1] ELLIS, « The Meanings », p. 177.

[2] Ibid., p. 180.

[3] Gilbert ANDRIEU, Sport et conquête de soi, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 8.

[4] Ibid., p. 174.

[5] Isabelle QUEVAL, S’accomplir ou se dépasser : essai sur le sport contemporain, Paris, Gallimard, 2004, p. 174.

 

Cet extrait provient de l’article « Qu’est-ce que la spiritualité dans le sport ? », de Alessandra Maigre. Il est disponible dans le n°49 de la Revue des Cèdres : Le sport, ma foi.