La migration existe depuis la nuit des temps, mais les flux migratoires sont toujours changeants. Un pays de départ peut bien devenir un pays d’accueil quelques décennies plus tard. Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS et docteur d’État en science politique (Institut d’études politiques de Paris), dresse le tableau de la situation actuelle des flux migratoires en Europe.

En ce début du XXIe siècle, les migrations internationales ont pris un essor sans précédent dans le débat public. Mais, à la différence du passé, ce ne sont plus les Européens qui ont émigré de par le monde. L’Europe est au contraire devenue l’une des premières destinations migratoires, en proie à un déclin démographique. La planète entière est en mouvement, notamment dans les pays du sud. […] Ces migrations se sont mondialisées depuis trente ans, et ont triplé depuis le milieu des années 1970 : 77 millions en 1975, 120 millions en 1999, 150 millions au début des années 2000, 244 millions aujourd’hui. Ce processus va se poursuivre car les facteurs de la mobilité ne sont pas près d’avoir disparu, ils sont devenus structurels et non plus conjoncturels : écarts entre les niveaux de développement humain (qui combinent l’espérance de vie, le niveau d’éducation et le niveau de vie) le long des grandes lignes de fracture du monde, crises politiques et environnementales, productrices de réfugiés et de déplacés, baisse du coût des transports, généralisation de la délivrance des passeports y compris dans les pays d’où il était hier difficile de sortir, absence d’espoir dans les pays pauvres et mal gouvernés, rôle des médias, prise de conscience que l’on peut changer le cours de sa vie par la migration internationale.

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Le continent européen vit aujourd’hui une situation paradoxale : alors que les Européens ont longtemps migré à l’extérieur, ils peinent à considérer l’Europe comme terre d’immigration car elle est devenue la première destination migratoire au monde en termes de flux et la seconde en termes de populations installées, derrière les Etats-Unis. […]

Aujourd’hui, c’est l’Allemagne qui, de loin, est le plus grand pays d’immigration européen, tant en matière de migrations économiques que d’asile, avec une politique d’accueil revendiquée par Angela Merkel face à la crise de l’accueil des réfugiés et 7 millions d’étrangers. Elle est suivie par l’Italie, qui compte 5 millions d’étrangers et doit faire face aux arrivées de la rive sud de la méditerranée, par la Libye notamment. L’accord entre l’Union européenne et la Turquie a beaucoup réduit les points de passage par la Grèce, tout en faisant de la Turquie le premier pays d’accueil des réfugiés du proche et du Moyen-Orient, avec près de 4 millions de nouveaux arrivés depuis 2015.

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La montée des extrêmes droites dans ces pays, mais aussi en France, en Italie du nord, en Allemagne (le mouvement PEGIDA) et des intolérances à l’égard des nouveaux venus (comme le mouvement anti-polonais au Royaume-Uni) explique cette crise des valeurs européennes et ce retour au nationalisme et aux frontières, dans laquelle l’Europe risque de sombrer si elle ne réaffirme pas fortement les principes qui l’ont construite.

Cet extrait provient de l’article « Les flux migratoires » de Catherine Wihtol de Wenden. Il est disponible dans le n°47 de la Revue des Cèdres : L’exil comme royaume.

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