Regard du journaliste, pasteur, théologien et directeur de Médias-pro, partenaire protestant de RTSreligion, sur la fin de vie ; Michel Kocher nous donne sa compréhension du jeu de la distance et proximité dans l’accompagnement de la personne en fin de vie.
Il y a différentes sortes d’accompagnants. Entre des soignants, des aumôniers, des membres de la famille… et des membres d’Exit, le lien avec la personne en fin de vie n’est pas le même et la nature de la distance non plus […] Il y a d’abord la distance personnelle. Dans le cas d’euthanasies, cette distance peut être aussi grande que possible, une trop grande proximité étant insupportable. Comme le dit Chantal Ebonguyé dans un petit film sur le suicide assisté vu par les proches[1] : « Je n’ai pas voulu assister à la mort de ma mère parce que j’étais trop impliquée affectivement. Cela me paraissait trop lourd… Si j’étais à côté d’elle, je l’aurais retenue.» D’autres témoignages disent autre chose. Cathy Cotter, infirmière en soins palliatifs, en fait la synthèse dans un sujet du 12h45 sur RTS1 : « La fin de la vie n’est pas un temps mort. C’est un temps extrêmement vivant dans lequel beaucoup de choses peuvent se passer ; entre autres, on peut se rapprocher des gens, on peut résoudre certains conflits et permettre à ceux qui vont rester de vivre plus sereinement la vie qui continue. »[2] Il y a aussi une distance professionnelle. Elle peut être proche ou longue, selon les contextes. Celle du personnel médical se retirant de la chambre du malade pour laisser la place à l’équipe d’Exit… est longue : « Pour moi c’est comme si on me disait, maintenant comme soignant, tu te désolidarises »[3], reconnaît Antoinette Bochatay Royer. Sébastien Philiponna, infirmier qui rend visite à un patient à domicile dans le cadre du réseau santé Haut Léman, témoigne d’une proximité respectueuse et complice. Ils blaguent ensemble sur les psychiatres. Quant à la distance spirituelle, elle est portée à une forme de réduction paroxystique dans la très belle interview du prêtre Gabriel Ringlet par Évelyne Auberson. En réponse à une sœur contemplative en fin de vie qui l’interroge pour savoir si Dieu peut accepter qu’elle demande l’euthanasie, il dit : « Dieu, il est là dans votre lit, pour l’instant, il est plié en deux comme vous… Peut-être que pour le moment il demande l’euthanasie. » La distance spirituelle devient ici transparence, communion de foi quand Ringlet témoigne : « J’ai vu une lumière sur ce visage… J’ai assisté à la transfiguration dans une chambre d’hôpital. »
Cet extrait provient de l’article « L’entrelacs des paroles publiques sur la souffrance en fin de vie : Le journalisme entre éthique et esthétique », de Michel Kocher. Il est disponible dans le n°50 de la Revue des Cèdres : Accompagner la souffrance.
[1] Fautpascroire,RTS1,11.10.2015,journalisteAlineBachofner.
[2] 12h45, RTS1, 18.05.2009 (2’51’’), https://www.rts.ch/play/tv/12h45/ video/neuchatel-une-exposition-sinteresse-a-laccompagnement-des- personnes-en-fin-de-vie?id=791283.
[3] Exit dans les EMS ? », Faut pas croire, RTS1, 22.11.2008, journaliste Laure Spéziali.