Est-il possible de réconcilier foi et psychologie ? Comment le thérapeute peut-il inviter sa foi en Dieu dans le suivi psychologique de ses patients ? Dr Adeline Yamnahakki-Bossy, doctoresse en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, raconte comment sa croyance en Dieu peut devenir un appui et un soutien dans sa posture de thérapeute.
En psychiatrie, davantage peut-être qu’en médecine somatique, la façon d’aborder les problèmes en thérapie va dépendre des référentiels théoriques desquels se réclame le ou la psychiatre. Il existe plusieurs écoles, plusieurs formes de thérapies, plus ou moins en conflit entre elles, même si la tendance actuelle va vers une approche intégrative, heureusement. Pour ne citer que quelques-uns des principaux : vision psychanalytique, vision systémique dite familiale, engouement actuel pour les neurosciences grâce aux nouvelles techniques d’exploration en IRM fonctionnelle. Dans cette « jungle », quelle contribution aidante peut apporter une réflexion théologique ? Laissez-moi dire : ÉNORME !!!
Pour moi, la question essentielle est en effet la suivante : Est-ce que je me situe par rapport à un système de croyances, que nous appelons religion, qui influence ma manière de concevoir et d’être face à la vie et à la santé, en tant qu’individu et pour notre société ? Ou est-ce que je me situe dans une relation avec un Autre Vivant, de qui je crois que toute vie dépend et qu’Il s’exprime vraiment dans notre quotidien ? De là découlent plusieurs interrogations : De quel Dieu parlons-nous ? En quel Dieu croyons- nous ? Ce Dieu a-t-Il quelque chose à nous dire, à nous proposer pour notre santé, face à notre souffrance ?
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Dans mon cheminement personnel, j’ai quitté le confinement de la réflexion SUR Dieu, parfois un monologue stérile, pour entrer dans le domaine du dialogue vivant AVEC Dieu, en Lui laissant la possibilité de me parler. Et j’ai commencé à Le voir agir de façon puissante, y compris dans la vie de mes patients, notamment par des miracles notoires […] Je suis convaincue que Dieu est profondément touché par la souffrance psychique des humains, qui est souvent encore plus avilissante que la souffrance physique, car elle touche à la capacité d’être sujet, en relation avec soi, l’autre et/ou avec Dieu. Et je réalise que, quand nous nous évertuons à faire une analyse psychologique de la Bible ou de Dieu avec nos références, nous L’enfermons dans une boîte humaine limitée. J’ai appris à ne pas Lui dire quoi faire, mais à Lui demander ce qu’Il aimerait que je fasse, à ma mesure, et avec Lui, pour les enfants qu’Il me confie, car Il se soucie de leur santé bien avant moi et bien plus que moi. La santé psychique n’a pas de secret pour Lui. Ce n’est pas rare que je prie en silence face à des situations compliquées. Et c’est comme si Dieu me guidait pour privilégier une approche ou une autre : soudain la situation se débloque, parfois par des circonstances dans la vie du patient pour lequel j’ai prié. Quand la réponse à la prière n’est pas celle attendue perdure la compassion. Être soignant, c’est souvent accompagner plutôt que guérir, mais parfois la guérison vient, même sous forme de miracle, et c’est une grande joie. Il faut apprendre à persévérer dans le soin comme dans la prière […] Oui Dieu a des choses à nous dire et nous avons des choses à vivre AVEC Lui dans le domaine de la santé des adultes, des enfants et des familles, bien plus que nous n’osons l’imaginer !
Cet extrait provient de l’article « La souffrance psychique, regard d’une pédopsychiatre », de la Dresse Adeline Yamnahakki-Bossy. Il est disponible dans le n°50 de la Revue des Cèdres : Accompagner la souffrance.