Nous assistons aujourd’hui à une évolution des croyances religieuses vers des formes de spiritualités qui se veulent plus holistiques et cosmologiques, inspirées notamment des religions orientales. Gilles Bourquin, corédacteur en chef du journal Réformés, commente cette évolution et les défis que cette dernière représente pour l’espérance chrétienne.

La trajectoire de la vie humaine est un segment délimité par un début et une fin au-delà desquels s’étend un domaine Inconnu. Pour ces raisons, la non-foi certaine, la certitude qu’il n’y a Rien au-delà de la vie présente est tout aussi malaisée que la preuve certaine de l’existence d’un Être transcendant capable d’intervenir dans la vie présente. De nos jours, les croyances religieuses semblent s’amenuiser jusqu’à s’effacer quasiment de la vie moderne, mais elles affleurent à la surface sociale sans jamais disparaître complètement.

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En conséquence, plutôt que d’incroyance et d’athéisme, il semble plus approprié de parler d’une transition des croyances à partir de modèles fondés sur les révélations monothéistes vers des modèles calqués sur les sciences naturelles et techniques. Il n’est pas question de nier le recul de la foi religieuse proprement dite, ni le développement de l’athéisme en tant que refus de la croyance en un Dieu personnel transcendant. Mais ce recul est compensé par de nouvelles croyances à tendance cosmologique et holistique, qui combinent les principes des sciences occidentales à ceux des sagesses orientales, laissant paraître leurs lointaines origines communes dans la culture indo-européenne.

Le divin est vidé de sa transcendance et de sa personnalité distinctes du cosmos. Il ne représente plus un vis-à-vis capable d’enseigner et de juger les humains. La divinité est réintégrée à la nature impersonnelle de l’Univers dont les humains font partie au même titre que les autres êtres vivants, et aux lois duquel ils doivent donc se soumettre. L’homme postmoderne ne veut plus être confronté à la Parole d’un Dieu personnel l’invitant à fuir les tentations de la vie présente pour s’attacher à l’espérance d’un salut éternel. Un tel détachement est perçu comme une trahison de la cohérence cosmique dont il faut épouser les rythmes afin de s’inscrire dans l’harmonie universelle de la Vie.

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Sur le plan spécifiquement religieux, le principe d’unité dans la diversité se manifeste au travers des doctrines syncrétistes qui ramènent les croyances religieuses à une seule Vérité ineffable qui les coiffe toutes et amenuise leurs contradictions. Confucius, Bouddha, Moïse, Jésus ou Mohammed divulguent en fin de compte un même message de sagesse et d’amour en lutte contre le chaos qui menace sans cesse l’harmonie de l’Univers. Ainsi, la vérité ultime semble se situer dans la fusion et le dépassement des religions. Considérées isolément, ces dernières ne font que renforcer les dissensions entre les hommes.

Rien n’est moins aisé, dans un tel contexte culturel, de faire valoir la pertinence du principe évangélique de la Croix, qui se situe au centre du christianisme. […] Selon l’espérance chrétienne, il s’agit de recevoir une paix originaire d’au-delà du cosmos, au travers de la révélation d’un Dieu inconnu, qui subit le rejet lors de son immersion dans le monde. Le christianisme effectue ainsi un mouvement de décentrement radical vis-à-vis de l’espérance cosmique. […] En effet, selon la foi chrétienne, à la différence des croyances holistiques, la paix ultime n’est pas un caractère inhérent à la Nature, mais un don que l’on peut recevoir de Dieu seul.

 

Cet extrait provient de l’article « Face aux croyances cosmiques, le défi chrétien », de Gilles Bourquin. Il est disponible dans le n°48 de la Revue des Cèdres : Ce qu’il reste à croire.

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