À quoi ressemblera l’Église de demain ? En s’appuyant sur l’observation des formes d’Églises émergentes, Jean-Christophe Emery, directeur de Cèdres Formation, dresse les grandes lignes de ce mouvement vers une Église plus proche de la société d’aujourd’hui.

Plusieurs réflexions théologiques et ecclésiologiques qui émanent d’auteurs liés au mouvement des Églises émergentes offrent des perspectives stimulantes[1]. Bien que formulées à partir d’un contexte essentiellement congrégationaliste[2], elles cherchent des voies d’accès dans un monde occidental globalisé et postchrétien. La diversité de ces approches ne doit pas masquer quelques grandes convictions qu’elles partagent de manière motivante. […]. Tout d’abord, elles estiment que l’enjeu n’est pas d’emballer de vieilles idées dans de nouveaux paquets. Il ne s’agit pas simplement de trouver de nouvelles formes de célébration, d’adapter la musique et la rhétorique ou de disposer d’une meilleure communication pour permettre aux Églises de reprendre de la vitalité. La question est donc bien celle de remettre l’ouvrage théologique sur le métier. […]

L’enjeu, et c’est le second constat, n’est pas de générer de nouvelles adhésions, mais de considérer que le christianisme est un phénomène en perpétuelle mutation, toujours tiraillé entre des origines, des traditions et la nécessité de s’incarner dans un contexte donné. […]. La foi n’est pas une affaire de certitude, mais de recherche. La vérité n’est pas une affaire d’affirmation intemporelle (et donc de pouvoir), mais une affaire de limite contextuelle. Si l’on vise à expérimenter ces éléments, on cherchera à générer des lieux dans lesquels croyants, mécréants, athées, agnostiques et autres chercheurs spirituels pourront échanger en toute liberté et en toute sécurité. L’enjeu n’étant pas de convaincre les autres, mais bien d’entrer en profondeur dans une quête existentielle et profondément spirituelle.

[…]

Que devient alors le croire, dans une approche telle que celle-là ? Il est appelé, lui aussi, à se mettre aussi bien à l’épreuve des schémas de l’interprétation (ce qui construit du sens) qu’à l’épreuve de ses effets concrets. L’affirmation du Christ ne représente plus le critère du croire, mais l’une de ses manifestations. Le fait de se prétendre athée ou de se dire chrétien n’est alors plus déterminant. La foi n’est plus un levier d’exclusion, mais un itinéraire sur lequel chaque humain évolue sans pouvoir émettre de jugement. C’est la mise en œuvre de l’idée de la grâce souveraine de Dieu sur laquelle l’homme n’a pas de prise. Il s’agit d’accepter que l’homme ne peut pas se définir lui-même de manière ultime. L’horizon n’est donc pas celui d’une juste doctrine, ni même d’un juste comportement, mais bien celui d’une juste exigence dans la quête de ce « monde meilleur ». Le salut n’est pas un drapeau à brandir, mais un projet à espérer.

Ce texte constitue un plaidoyer pour que des communautés religieuses, de toute obédience, investissent ou créent des lieux de proximité entre croyants et athées. Des espaces qui permettent la discussion bienveillante et sécurisée. Des lieux d’authenticité qui offrent aux uns et aux autres la possibilité d’exprimer leurs doutes plus que leurs certitudes, leurs recherches plus que leurs découvertes, leurs espérances plus que leurs expériences et leur confiance plus que leurs peurs. Il ne s’agit pas de renoncer aux formes traditionnelles, mais de les retravailler de manière radicalement inclusive. Cela implique un changement profond de posture. On pourrait parler ici de « transition intérieure » ou de « spiritualité ». Une forme de détachement vis-à-vis de certitudes ou d’habitudes qui s’ouvre à l’idée d’un Esprit qui souffle où il veut.

 

Cet extrait provient de l’article « croyants et athées, unissons-nous ! », de Jean-Christophe Emery. Il est disponible dans le n°48 de la Revue des Cèdres : Ce qu’il reste à croire.

 

[1] La thèse de Gabriel MONET offre des éléments de synthèse de plusieurs auteurs : L’Église émergente. Être et faire Église en postchrétienté, Berlin, LIT Verlag, 2014.

[2]  Le mouvement émergent s’est essentiellement développé dès les années 1980 aux États-Unis. Il est marqué par quelques figures théologiques comme Brian McLaren, Dan Kimball ou Tony Jones. Son pendant européen, les « Fresh Expressions of the Church », a émergé simultanément au sein des Églises anglicanes et méthodistes britanniques.

 

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