Quelle est la position de l’Église catholique sur le suicide assisté ? Alain Viret, théologien et membre du Service de formation et d’accompagnement des adultes (SEFA) au sein de l’Église catholique du canton de Vaud, nous éclaire sur la posture de l’Église catholique à ce sujet tout en rappelant l’importance pour cette dernière de pouvoir accompagner les personnes en souffrance.
Si l’Église catholique est clairement réticente quant à l’aide au suicide, elle encourage en revanche fortement le développement d’une culture palliative pour soulager au mieux les souffrances tant physiques que morales par des traitements antalgiques et un accompagnement pluridisciplinaire approprié. L’Église promeut depuis des décennies cet accompagnement en participant à divers lieux de recherche et de réflexion sur les soins palliatifs, tout comme à l’accompagnement d’équipes résidentielles ou mobiles de services de soins palliatifs. […]
On ne saurait préjuger des intentions profondes des personnes et un accompagnement dans une certaine durée devrait permettre de s’ouvrir à un regard de foi et d’espérance dans la vérité et l’humilité d’une situation qu’on ne maîtrise pas. Bien souvent, quand une personne se sait reconnue, entendue, écoutée dans sa propre vérité, sans jugement, un processus de libération se met en route et aboutit à accepter de lâcher prise et de mourir « naturellement », exorcisant parfois ce choix de vouloir en finir. Mais alors, jusqu’où peut-on accompagner une personne qui maintient sa décision de se suicider ? Le pape François, dans un bel esprit évangélique, est très clair à sujet. Dans une homélie à Rio de Janeiro du 27 juillet 2013, il dit « préférer mille fois une Église accidentée, victime d’un accident, à une Église malade de s’être refermée sur elle-même » ; dans son encyclique programmatique La joie de l’Évangile, « l’Église est appelée à être toujours la maison ouverte du Père » (no 47) ; et dans une autre homélie :
« La route de l’Église, depuis le concile de Jérusalem, est toujours celle de Jésus: celle de la miséricorde et de l’intégration. Cela ne veut pas dire sous-évaluer les dangers ou faire entrer les loups dans le troupeau, mais accueillir le fils prodigue repenti ; guérir avec détermination et courage les blessures du péché ; se retrousser les manches et ne pas rester à regarder passivement la souffrance du monde… La route de l’Église, c’est justement de sortir de son enceinte pour aller chercher ceux qui sont loin dans les « périphéries » essentielles de l’existence ; celle d’adopter intégralement la logique de Dieu ; de suivre le Maître qui dit : Ce ne sont pas gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs[1]. »
Puisque Dieu n’abandonne personne, l’Église doit rejoindre toute personne en détresse. Comme l’aumônier de prison se rend disponible à une écoute et un accompagnement qui ne cautionnent pas la faute commise, l’aumônier visiteur de malades ou de personnes en fin de vie peut accompagner une personne inscrite à Exit sans cautionner sa démarche, dans le respect de sa vision, et discerner au cas par cas jusqu’où il peut aller avec elle, par exemple dans le choix de certains rituels ou prières (bénédictions, sacrements des malades…), voire d’une présence au moment de l’acte létal. […]
En conclusion, je dirais que nous sommes ici confrontés à une évolution sociétale majeure où se rencontrent les droits de la personne à décider de son devenir (cf. l’intérêt et les limites des directives anticipées) et la nécessité pour une société de soutenir le bien commun d’un projet de vie dans le soin et la solidarité due à chacun, et particulièrement aux plus faibles. À la suite du Christ, l’Église a une mission de manifester non seulement en paroles mais en actes une présence et une espérance[2] auprès de ceux et celles qui peinent à donner sens à leur vie marquée par des souffrances de tout ordre et aussi, tout simplement, par une fatigue de vivre.
Cet extrait provient de l’article « A propos de la position de l’église catholique sur le suicide assisté », de Alain Viret. Il est disponible dans le n°50 de la Revue des Cèdres : Accompagner la souffrance.
[1] Homélie pour la messe avec les nouveaux cardinaux, Rome, 15 février 2015.
[2] Maurice PAGE, « Accompagner les personnes qui recourent au suicide assisté ».