Partant d’un constat commun de crise du christianisme en Allemagne, deux théologienne proposent des modèles diamétralement opposés. Faut-il se désinvestir de la paroisse et profiler des compétences qui sortent des logiques territoriales? Ou faut-il au contraire  renforcer les structures paroissiales et combattre un «système» dans lequel l’Église se sécularise elle-même? L’auteur propose un résumé de ces positions et son arbitrage. Fritz Lienhard est professeur de théologie pratique. Il est titulaire de la chaire de Pastoraltheologie und Kirchentheorie de l’ Université de Heidelberg.

En particulier en 2006, le texte Kirche der Freiheit a proposé notamment de donner un profil plus clair à l’activité ecclésiale, de se retirer en partie d’une desserte territoriale pour proposer un travail de meilleure qualité, c’est-à-dire plus spécialisé. De même, ce texte a introduit le langage de l’entreprise dans les discussions au sujet des stratégies ecclésiales. Pour approfondir les débats, faisons état de deux positions caractéristiques, celles d’Uta Pohl-Patalong et d’Isolde Karle. […]

Façonner l’Église du futur selon Uta Pohl-Patalong. La première de ces deux théologiennes propose une vision, pour inviter à rêver et à façonner l’Église du futur. De même, il s’agit de proposer des critères de discernement pour abandonner certaines activités et soutenir plus énergiquement celles qui sont porteuses d’avenir. Elle part du constat que les Églises locales sont surchargées de travail, à cause d’un spectre d’activités trop large empêchant un travail compétent, et que les pasteurs se retrouvent dans une situation de «bonnes à tout faire». D’un point de vue théologique, l’auteure part de ce qui définit l’identité d’une Église, la parole et les sacrements. La diaconie, l’accompagnement pastoral et la catéchèse en font partie. Ces activités doivent être accessibles à tous et donc être disponibles dans un espace donné. […]

Ou renforcer la paroisse selon Isolde Karle. Isolde Karle a pris le contre-pied d’Uta Pohl-Patalong. Pour elle, il ne faut pas se retirer des structures paroissiales, mais les renforcer, au contraire. Elle part du constat que les Églises tendent aujourd’hui à devenir des entreprises. Les symptômes de cette évolution sont de vouloir améliorer la «qualité», de considérer le paroissien comme un «client» auquel il faut s’adapter en considérant son «milieu», de négliger la théologie, de donner une importance démesurée aux questions financières. De la sorte, l’Église se sécularise elle-même, renonce à son propre système de référence et adopte une perspective économiste. Or, la foi chrétienne résiste à cette manière de penser. Une communauté religieuse n’est pas un «produit», et on n’en change pas si facilement. Le phénomène religieux est proche de l’amour et de l’art, qui ne peuvent être appréhendés en catégories quantitatives. Nos contemporains attendent des Églises qu’elles offrent un autre discours que celui qui marque leur quotidien. […]

Arbitrage. La cohabitation des deux modèles est difficile. Si un travail spécialisé soutire, par exemple, les adolescents et les jeunes adultes aux paroisses environnantes, le travail intergénérationnel de ces dernières est détruit. En fait, dans cette situation de «pat», la meilleure issue consiste à se demander lequel des deux modèles est le plus à même de faire droit aux arguments en faveur de l’autre. Or il me semble que c’est le cas du modèle paroissial, qui peut faire place à des «dominantes».

Cet extrait provient de l’article «Stratégies ecclésiales en Allemagne» de Fritz Lienhard. Il est disponible dans le n°46 de la Revue des Cèdres: L’Eglise, pour y venir.

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